jeudi 23 novembre 2006

le paradis perdu


Il y avait un jardin merveilleux, un jardin où la bouffe tombait des arbres. Dans ce jardin vivait un être humain, homme et femme à la fois. Sa mission : cultiver le sol et garder le jardin. Il s’appelait Adam.
Or, Adam s’ennuyait ferme dans le jardin. Alors Dieu, et oui encore lui, le plongea dans un profond sommeil. Il en retira la partie féminine et créa la femme pour qu’il ait de la compagnie. Et c’est là que les problèmes commencèrent…
Ça vous rappelle quelque chose, hein ! Vous connaissez, c’est l’histoire du jardin d’Eden. Même si vous n’avez jamais lu la bible, elle fait partie de votre patrimoine culturel, voire de votre patrimoine génétique : vous savez, c’est là que la femme fait manger une pomme à l’homme, laquelle pomme reste coincée dans la gorge de l’homme : la pomme d’Adam.
La symbolique communément répandue de cette histoire est porteuse d’une énorme culpabilité : l’homme se fait chasser du paradis terrestre parce qu’il a désobéi à Dieu. On en déduit que l’homme porte le mal en lui et qu’il doit expier sa faute en vivant sur terre une vie pénible. Mais n’y a-t-il pas une autre interprétation ? Reprenons toute l’affaire depuis le début.
Donc, Adam et Eve se baladent à poil dans le jardin d’Eden, « sans se faire mutuellement honte » (Genèse, chap. 2, v. 25). Là-dessus, Eve croise le serpent qui la convainc de manger du fruit de l’arbre défendu. Eve en mange et en file à Adam, qui en mange à son tour. Or, cet arbre dont le fruit est interdit à la consommation n’est autre que l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Ça veut dire qu’avant de manger du fruit en question, ils ne connaissaient pas le bien et le mal. Des inconscients potentiellement dangereux capable de tuer quelqu’un sans s’en rendre compte !
Donc, ils mangent du fruit, et paf, leurs yeux s’ouvrent : ils se voient nus, ils en éprouvent de la honte. Là, il n’y a plus de doute : ils ont la connaissance du bien et du mal car, comme chacun sait, être nu, c’est mal. Ils se cachent lorsque Dieu arrive. Dieu s’aperçoit de leur forfait, il se fâche et les chasse du jardin d’Eden. Adam et Eve se retrouvent alors dans un environnement moins protégé, qui leur paraît pénible pour ne pas dire hostile. Bon, ils ont fait une connerie et ils en payent les conséquences, c’est normal. Seulement, entre avant et après, ils ne sont plus les mêmes : ils ont acquis la connaissance du bien et du mal. Ils ne sont donc plus innocents et inconscients. Ils possèdent désormais un outil important qui va leur permettre d’agir en connaissance de cause : quand ils tueront quelqu’un, ils sauront qu’ils font le mal. D’ailleurs, le serpent l’avait dit : « vous serez comme des dieux possédant la connaissance du bonheur et du malheur » (Genèse, chap. 3, v. 5). On peut alors penser que Dieu ne les chasse pas seulement pour les punir de leur désobéissance, mais aussi pour leur dire : « puisque vous voulez jouer à ça, faites voir de quoi vous êtes capables ! » C’est une sorte de défi: le défi de prendre leur vie en main.

Alors, ça ne vous fait pas penser à autre chose ? L’ado qui brise les règles établies dans le foyer, le père qui met son gosse dehors à l’âge de sa majorité : ça ressemble violement à une symbolique du passage de l’enfance à l’état adulte.
Mais, si c’est le cas, ça change tout !
Dans un premier temps, la culpabilité disparaît : il est normal de grandir, de se construire une personnalité propre, et pour cela, il est nécessaire de rentrer en conflit avec ses parents, de faire ses propres expériences pour développer sa capacité à l’autonomie, et donc de faire ses propres erreurs et d’en assumer les conséquences. Le paradis perdu ne serait alors plus un hypothétique jardin situé quelque part du côté du Tigre et de l’Euphrate (vers l’Irak), mais le paradis de l’enfance, le seul moment de notre vie où la bouffe tombe du ciel et qu’inexorablement nous devons quitter, non pas parce que le mal vit en nous, mais parce que c’est dans notre nature de grandir et de prendre notre indépendance.
Pour l’anecdote, on a tort de croire que Georges Bush fait la guerre en Irak pour le pétrole. N’oubliez pas que c’est un fondamentaliste, vous savez, ces types qui prennent la bible au pied de la lettre, et là, en fait, il cherche le jardin d’Eden. Ah, pauvre Georges…
Dans un deuxième temps, la prise d’autonomie que représente la connaissance du bien et du mal ne fait plus de nous des victimes mais des responsables. Finalement, Dieu nous a mis dans un environnement non protégé, la terre, que nous avons trouvé hostile, mais qui est neutre, à la base, un peu comme quand on quitte ses parents, il y a un temps d’adaptation. Et grâce à ce fabuleux outil qu’est la connaissance du bien et du mal, la conscience en fin de compte, nous avons les moyens d’agir sur ce qui nous entoure pour en faire ce que nous voulons, et Dieu n’y est plus pour rien. La seule vraie question qui reste est pourquoi avons-nous préféré faire de notre vie un enfer plutôt qu’un paradis ?
Le dernier point, peut être plus anecdotique, concerne la relation homme-femme. Il y a une forme de misogynie qui découle de la soi-disant responsabilité de la femme dans l’expulsion de l’homme du paradis. Mais ne devrions-nous pas être reconnaissant à la femme de nous avoir apporté la maturité, de nous avoir permis d’être des adultes, aussi douloureux que puisse être cette transformation ? Et tout cela n’était-il pas déjà sous-entendu là où il est écrit : « Aussi l’homme laisse-t-il son père et sa mère pour s’attacher à sa femme, et ils deviennent une seule chair »(Genèse chap. 2, v. 24) ?

2 commentaires:

Anonyme a dit…

et Lilith dans tout ça?

Anonyme a dit…

et Lilith dans tout ça?