samedi 30 décembre 2006

La Bete En Nous ( 2eme partie)

Depuis longtemps, les hommes ont compris qu’ils devaient dépasser une part de leur animalité pour réaliser pleinement leur potentiel. Ils ont alors essayé de ne plus péter, de ne plus roter, de ne plus sentir la transpiration, de ne plus avoir de rapports sexuels, de s’habiller avec de beaux tissus, de beaux vêtements, et pour finir, ils ont créé un univers qui n’a plus rien de naturel
pour se persuader qu’ils ne sont plus des animaux. Manque de pot, nous restons enfermés dans ce corps qui, pour fonctionner correctement, doit se nourrir, donc faire caca, péter, roter et transpirer, sans parler des relations sexuelles qui contribuent au délassement du corps et de l’esprit. Et lorsque le corps ne fonctionne pas bien, l’esprit en pâtit. En fait, nous nous sommes arrêtés à la surface nous faisant plus de mal que de bien, car tant que nous habitons une structure animale, il est complètement crétin de chercher à la nier.
Pourtant, lorsque Dieu dit à Caïn de dominer le péché tapi à sa porte, ne lui demande-t-il pas, à sa manière, de résister à ses pulsions ? Mais, Caïn ne résiste pas et commet alors l’assassinat de son frère, qu’il regrettera amèrement par la suite. C’est l’exemple type de l’extrémité où peuvent conduire les pulsions incontrôlées. Cette histoire ainsi que les dix commandements : « tu ne tueras point », ou la parole de Jésus : « lèves toi et marche », comme la plupart des messages bibliques, invitent à une réflexion sur son propre comportement.
D’ailleurs, l’échelle hiérarchique de dominance est directement pointée du doigt dans le premier commandement : « C’est moi le Seigneur, ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de la servitude : Tu n’auras pas d’autres dieux face à moi » (Exode, Chap. 20, v.2, 3). Ce qui, en clair, veut dire : Je suis ton Dieu car je t’ai sauvé de l’esclavage, soumets toi à moi, mais ne te soumets qu’à moi. Sous-entendu : refuse toute autorité qui n’est pas la mienne.
Plus loin, dans le premier livre de Samuel, le peuple réclame un roi (chap. 8). Samuel va en parler à Dieu, qui lui répond : « Ce n’est pas toi qu’ils rejettent, c’est moi. Ils ne veulent plus que je règne sur eux » (1 Samuel, chap.8, v. 7). Finalement, Dieu est un anarchiste.
On voit aussi que l’échelle hiérarchique de dominance fonctionne dans tous les sens. On serait tenté de reprocher aux « méchants » dominants la soumission qu’ils infligent aux « gentils » dominés, mais force nous est de constater que, soit par paresse, soit par ignorance, soit pour ne pas avoir à assumer les conséquences suivant une prise de décision, nombres de gens recherchent la soumission.
En somme, la seule partie d’animalité que nous devons dépasser pour être épanouis, c’est celle qui se trouve au fond de notre système nerveux, celle qui nous fait nous comporter socialement comme des bêtes : nos pulsions de dominance. Mais puisque c’est une programmation de base, est-il vraiment possible de la dépasser, ou, en d’autres termes, est-il possible de nous reprogrammer ?
Pour Henri Laborit, c’est tellement difficile qu’il préconise plutôt la fuite des échelles hiérarchiques de dominance dans la solitude, la drogue, l’imaginaire ou la création artistique. Mais, d’une part, c’est déplacer le problème sans le résoudre, et d’autre part, c’est fuir les communautés, puisqu’elles sont pour la plupart organisées suivant ce schéma. Or, les hommes sont des animaux sociables. Donc ça coince, forcément.
Cela dit, on peut constater que si ça gratte l’entrejambe, spontanément, on se gratte. C’est une programmation de base. Pourtant, notre éducation nous a appris à ne pas le faire n’importe où, ni en présence d’étrangers. Cela montre, à mon avis, que nous pouvons être reprogrammés. Certes, mais nous ne sommes plus des enfants et notre éducation est faite. Nous n’accepterons jamais de nous faire rééduquer. Et puis par qui ? Puisqu’il faut sortir de l’échelle hiérarchique de dominance, on ne va pas commencer par désigner quelqu’un susceptible de nous éduquer. Ça serait le foutre d’emblée sur un piédestal. Non, la seule solution, c’est de se rééduquer soi-même. Et ce n’est pas une mince affaire, car cela demande de remettre en question tout ce que nous avons appris, nos rapports avec les autres et de prendre notre vie en main.
Mais, en même temps, n’est-ce pas là notre destinée, décrite dans l’histoire du jardin d’Eden (voir Le Paradis Perdu), de devenir des adultes responsables ?Aurons-nous alors la volonté et le courage de finir ce travail pour cesser enfin d’être esclave de nous-même ?

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