samedi 27 janvier 2007

Et Lilith Dans Tout Ça ? (1ere partie)

Avez-vous jamais entendu parler de Lilith ? Elle est, paraît-il, la première femme créée par Dieu. Les esprits s’enflamment lorsqu’il s’agit de définir si elle est la femme véritable, ou le brouillon. Le débat fait rage dans les milieux autorisés ; mais ailleurs ? Qui se soucie de Lilith ? Pourtant, un lecteur du Paradis Perdu soulève la question de ce personnage qui, alors même que nous ignorons son existence, laisse sa trace sur nos habitudes de vie.

En fait, dans la bible, Dieu crée l’homme et la femme (Genèse, chap. 1, v. 27). Puis il installe Adam dans le jardin d’Eden. Mais là, Adam s’ennuie. Dieu voit son ennuie et décide de lui donner de la compagnie. Il le plonge dans un profond sommeil et lui retire une côte à partir de laquelle il crée la femme, Eve (Genèse, chap. 2, v. 22). Ah... Je vois à la lumière allumée dans votre œil que votre esprit acéré a décelé l’anomalie : la femme a été créée deux fois !
Alors que s’est-il passé ? Dieu était bourré ou quoi ?
Partant du potentat qu’il est peu probable que Dieu ait eu une absence, les érudits se sont penchés sur cette question et en ont déduit l’existence d’une première femme, visiblement cachée, donc forcément mauvaise. Et à partir de là, ça part en limonade.
Cette femme s’appellerait Lilith, et aurait été rejetée par Adam parce qu’elle refusait les positions sexuelles où l’homme domine la femme, du type missionnaire, pour préférer celles où la femme domine l’homme, à savoir où elle est sur lui. Et bien qu’elle ait une sexualité débridée et insatiable, elle refuse aussi d’avoir des enfants pour rester libre. Elle est donc remplacée par Eve, qui symbolise alors la femme mère et soumise. Tout ça abreuvé par une mythologie qui prend ses sources dans les traditions persanes et égyptiennes, où Lilith devient un démon femelle qui couche avec le diable et mange des enfants (pour plus de détails, consulter Wikipedia).
On patauge alors entre fantasme et conflit social. Il semble que Lilith symbolisait le matriarcat dominant à l’époque biblique. Sa diabolisation aurait donc servi à installer le patriarcat qui l’a supplanté par la suite et qui court encore aujourd’hui. Son appétit sexuel ne pouvait être que l’œuvre du démon et son envie de liberté sans enfant aurait fini par la rendre stérile, la malédiction ultime de l’époque. Sa légende servit de modèle à asseoir la domination masculine sur les femmes. Ainsi, lorsqu’une femme semblait plus intéressée par le sexe que par la vie de famille, voire quand elle aimait simplement un peu trop faire l’amour, elle ne pouvait être qu’une sorcière, ou possédée par le diable. On imagine facilement quelles épreuves elle pouvait traverser entre la répudiation, et donc de l’exclusion du groupe, et le bûcher, sans parler des ravages sur les femmes, genre filles mères considérées comme des catins. Forcément, ça calme.
Mais, si Eve est la mère avec qui on construit sa vie et sa descendance, Lilith est la pute qu’on maudit et répudie le jour, et dont on rêve la nuit... Le fantasme flirte avec la politique.

Plus tard, lorsque certaines femmes décidèrent de se libérer du joug de l’homme, elles ressortirent Lilith de son tiroir pour brandir le drapeau de la jouissance sexuelle sans enfants, donc sans attaches, et sans contraintes. Munies des méthodes de contraception moderne, elles purent enfin goûter à la liberté qui n’était réservée qu’aux hommes jusqu’alors.
À ce propos, dans la légende de Lilith, il est question de la contraception qu’elle utilise pour ne pas avoir d’enfants avec Adam. Non pas que la légende soit vraie, mais si le procédé est évoqué, c’est qu’il est connu. On peut donc se dire que la contraception féminine existait à l’époque de la bible. Il est probable que les méthodes contraceptives furent soigneusement oubliées par les hommes pour affirmer un peu plus leur domination, enfermant les femmes dans leur rôle de mère.
En fin de compte, la légende de Lilith s’inscrit complètement dans l’échelle hiérarchique de dominance, puisqu’elle exprime la lutte entre les systèmes matriarcal et patriarcal, où Lilith, la dominatrice, castre ses partenaires et regrette alors leur manque de virilité, tandis que Eve, la soumise, parfaite pour le foyer, manque cruellement d’appétit sexuel. En fait, Lilith et Eve symbolisent chacune une vision tronquée de la femme qui ne convient à personne.
Au moins, ce qu’il y a de bien dans cette interprétation du texte biblique, c’est que, depuis deux mille ans environ, on a largement eu le temps de voir que l’échelle hiérarchique de dominance ne fonctionnait pas au fond du lit conjugal.
Mais, maintenant qu’il est entendu que les érudits qui planchaient sur Lilith ont fait fausse route, l’anomalie de la double création de la femme nous reste sur les bras. Alors, Dieu était vraiment bourré ?

Aucun commentaire: