dimanche 6 mai 2007

Travailler C'Est Trop Dur...

Le lendemain du premier mai 2007, la fête du travail, le jour où personne n’est censé travailler, il y eut un grand débat télévisuel entre les deux candidats à la présidence de la république. Comme toujours dans ce type d’événement, le sujet de la discussion est tombé sur le travail. Chacun abordait la question de son point de vue, avec ses propres propositions, divergentes l’une par rapport à l’autre, comme il se doit. Mais ils s’accordaient à reconnaître qu’il y a là un problème. D’ailleurs, depuis que je suis, même vaguement, l’actualité, j’entends parler du chômage, donc du problème du travail. On peine à trouver une solution.
Mais avant d’aller plus loin, posons-nous d’abord la première question : qu’est-ce que le travail ?
D’après Henri Labori, le travail est, à l’origine, une « activité thermodynamique » qui permet à la « machine métabolique que constitue un organisme » d’agir « sur le milieu de telle façon que sa structure soit conservée. » En bref, c’est l’action de trouver à bouffer, à dormir et à baiser quand le besoin s’en fait sentir. En somme, l’objectif n’a pas changé depuis que l’homme existe. En revanche, les méthodes et les techniques de travail ont grandement évolué à travers les âges. Entre la cueillette et la chasse en vogue à l’aube de l’humanité et le méga hyper super marché de notre réalité quotidienne, il y a un monde.
En tout cas, le travail est une contrainte puisqu’on ne peut pas se passer de manger et de dormir (on peut se passer de baiser, mais ce n’est pas facile tous les jours). Or, je ne sais pas si vous avez remarqué, mais chaque fois qu’on est obligé de faire quelque chose, on trouve ça désagréable. C’est comme ça que le travail eut très vite une mauvaise réputation. Alors, des petits malins, poussés par leurs pulsions de domination et par celles de soumission des autres, tentèrent de se soustraire de ces obligations. Ils firent donc travailler les autres pour eux à travers l’esclavage, le servage, ou tout autre méthode exprimée par la force.
Cela dit, le travail ne présente pas que des inconvénients. Il canalise l’énergie vitale d’un individu par une activité structurée nécessaire au bon fonctionnement de son corps et de son esprit. Au sein d’un groupe, il permet à chacun, en fonction de ses capacités et de ses aspirations, de se faire une place, d’avoir un rôle, une utilité, et donc une reconnaissance de la part de la communauté. Mais là encore, les pulsions de domination pervertissent les rapports professionnels. Les tâches sont elles aussi hiérarchisées, et en fonction de l’importance qu’on leur accorde, elles apporteront plus ou moins de reconnaissance et de considération à celui qui les exécute. Ainsi, un directeur reçoit une meilleure reconnaissance qu’un ouvrier, et un homme sans travail n’en reçoit aucune. Il se sent alors exclu de la vie du groupe et nourrit la culpabilité de ne pas subvenir par lui-même à ses besoins.
De plus, l’homme est un animal qui vit en société. Or, le groupe, s’il protège les individus qui le composent, demande en contrepartie une part de travail en plus pour assurer sa pérennité. Et bien sûr, c’est à travers lui que s’expriment les échelles hiérarchiques de dominance, porteuses des jugements de valeurs, en fonction du lieu et de l’époque, qui définissent quelles qualités de ses membres doivent être récompensées ou dévaluées.


Avec la déclaration des droits de l’homme et l’instauration de la démocratie, on a pensé qu’on arriverait à gérer ces problèmes. Ce sentiment a été accentué par le développement de l’industrialisation, qui permit de produire plus, plus facilement et de réduire la pénibilité du travail. On peut désormais répondre à moindre effort aux besoins essentiels d’un grand nombre de personne. En fait, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la possibilité de se détacher des obligations vitales s’offre à nous. Non pas qu’il ne faille plus rien faire pour subsister, mais la part de travail de chaque individu pour subvenir à ses propres besoins et à ceux du groupe se trouve grandement réduite.
Mais l’organisation sociale n’a pas évolué en même temps que les technologies. Le système de rémunération de l’effort nous oblige à travailler toute la journée pour obtenir de quoi vivre, alors même que les machines nous soulagent tout les jours un peu plus de nos occupations. Ce phénomène est accentué par la logique de profit qui caractérise les classes dominantes, lesquelles poussent les chefs d’entreprise à virer du personnel pour dégager des bénéfices, bien qu’elles soient déjà bénéficiaires.
Le travail se fait de plus en plus rare. Déjà, en 1986, Albert Jacquard écrivait dans Cinq Milliards d’Hommes Dans Un Vaisseau que le travail était obsolète. Et les choses ne se sont pas arrangées depuis. Le travail devient si précieux que le Monde Diplomatique nous explique que certains veulent le rendre payant. Alors comment feront ceux qui ne pourront pas se payer de travail ?
Finalement, nous nous retrouvons dans une situation aberrante. Et tant que nous y resterons, le problème du chômage, et en même temps celui du travail, ne sera pas résolu.
En fin de compte, la solution ne se trouverait-elle pas dans une réorganisation profonde de notre société, où la place du travail serait redéfinie en fonction de la technologie et de chacun, une organisation où l’on aurait des obligations sociales, pour maintenir la structure du groupe, mais qui laisserait aussi le temps de penser à soi et au monde autour ?

Aucun commentaire: